Depuis la rentrée, plusieurs livres dévoilent les coulisses, les secrets et les rancunes du monde d'habitude heureux de la chanson.
Un vent de franchise et de réalisme souffle sur les variétés. Ce monde de paillettes et de sourires radieux s'est toujours mué, à l'écrit, en ruisselets de miel et en sacs de guimauve - « J'ai toujours tant aimé mon public », « Mes amis du métier ont toujours été si merveilleux », « Peu importe de vendre un disque ou un million de disques, c'est l'émotion qui compte le plus »...
Phénomène nouveau avec cette rentrée, qui voit se multiplier les livres qui osent ouvrir le rideau jusque sur les coulisses. Ce qui a donné quelques frissons de scandale dans le milieu de la variété, habitué jusque-là au non-dit souriant, comme avec Pascal Sevran Le Maître Chanteur(Tournon, 169 p.), enquête à charge de Laurent Balandras sous-titrée L'homme à qui la chanson ne doit rien. Pas de référé contre le livre, mais un silence méticuleux des médias audiovisuels : Pascal Sevran n'y a pas que des amis, mais citer seulement le titre de l'ouvrage de Laurent Balandras est en soi prendre parti. Il est vrai que l'assaut de l'éditeur musical d'Olivia Ruiz et Marie Nimier contre l'animateur de « La Chance aux chansons » fait du dégât en confrontant livres, déclarations et textes de chansons d'un homme qui a beaucoup écrit. Ainsi rit-on beaucoup de découvrir que Sevran disait « non, il ne suffit pas de n'avoir aucun don pour devenir Sylvie Vartan » avant d'écrire la chanson Amoureux de Sylvie. Pour être sans nuance, la charge est néanmoins savoureuse.
Même quantité d'acide dans Je soussigné, curieux ouvrage signé de Claude François, mort en 1978 (Albin Michel, 400 p.). Fabien Lacoeuvre, qui gère depuis seize ans la carrière posthume du chanteur, a compilé « plus de 70 kg d'archives de presse [...] plus de 300 heures d'interviews diverses et [...] près de 160 heures d'images télévisées », comme l'indique son livre. Outre que ce livre est une mine d'anecdotes pour le fan, il restitue l'incroyable liberté de ton de Claude François, que ce soit en ce qui concerne sa profession (« je suis régulièrement dérangé dans ma vie privée par celui qui devrait comprendre en premier lieu que j'ai besoin de détente, mon ami et imprésario Paul Lederman,»Monsieur 20 %* pour les intimes. Il a souvent de bonnes raisons, surtout lorsqu'il vient de décrocher encore une affaire mirobolante, un supergala au casino de Triffouillis-les-Oies ! ») ou pour la gaudriole (« J'ai une agence de mannequins. Je suis un énorme admirateur du physique allemand, au sens féminin toujours, et les Allemandes ont vraiment des visages de coquines »). Conséquence de la transcription à l'écrit de propos souvent tenus il y a des lustres dans des médias volatiles, des lettres recommandées - un musicien, une ancienne fiancée - ont entrainé quelques coupes juste avant l'impression du livre.
Entre sarcasmes et introspection
L'autre nouveauté de la saison est la manière dont les chanteurs s'expriment sur leur métier et leur vie. On a évoqué dans ces colonnes la manière dont Michel Fugain, dans Des rires et une larme (Michel Lafon, 473 p.), avoue la part de conscience professionnelle et d'ennui qu'il peut y avoir à monter sur scène et révèle avoir chanté dans les mariages pour traverser des années de panne artistique.
Dans Je suis né à vingt ans (Calmann-Lévy, 250 p., 18 eur), le très doux Gérard Lenorman rue franchement dans les brancards, s'en prenant avec verve aux hypocrites et aux nuisibles de sa corporation et, parfois, l'anonymat de ses réflexions ne tient pas longtemps. Surtout, il raconte dans des pages impressionnantes le secret de sa naissance, sa mère ayant succombé à la séduction d'un beau soldat de la Werhmacht alors qu'elle n'avait que 16 ans.
Avec un sens du pathétique parfois aussi aigu, mais aussi un féroce fond d'ironie, Hervé Vilard poursuit le récit de sa vie, commencé l'année dernière dans L'Ame seule, avec Le Bal des papillons (Fayard, 350 p.) : des scènes ahurissantes en coulisses de plateaux de télé, les rosseries des artistes entre eux, la course aux vanités... Une écriture sèche, aussi sarcastique qu'introspective.
Et même là où la gloire populaire n'a pas toujours fait briller tous ses feux, le livre invite à passer de l'autre côté des apparences, comme avec Anne Vanderlove, mélancolitude, écrit par sa manageuse, Marie-Thé Bretel-Logan (Christian Pirot, 179 p.). La chanteuse de la sublime Ballade en novembre en 1967 (« Qu'on me laisse à mes souvenirs/Qu'on me laisse à mes amours mortes/Il est temps de fermer la porte/Il se fait temps d'aller dormir ») raconte avec pudeur comment une carrière et une vie d'artiste se délitent lentement, avant un sursaut miraculeux des dernières années. Un autre regard, encore, derrière les projecteurs.
BERTRAND DICALE, LE FIGARO, 2 novembre 2007
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