31 oct. 2008

PASCAL SEVRAN SE VEND

Le livre s'intitule Pascal, simplement. Il est rédigé par Dominique Lozac'h, le compagnon des premiers jours et co-fondateur de l'émission La Chance aux Chansons, et co-signé par Grégoire Colard, ancien attaché de presse.
Pourtant, il ne faut pas se fier à la sobriété du titre. Rien n'est épargné dans ce grand déballage, les coucheries, les trahisons, les excès d'orgueil mal placé, les insultes aux artistes invités, les mensonges éhontés... tout est dit par des personnes ayant vécu l'histoire de l'intérieur. Même l'indicible, ce que chacun savait mais n'osait révéler par crainte de fissurer la statue.

Ainsi, enfin, on lit dans cet ouvrage que Pascal Sevran n'est pas l'auteur de la chanson Il venait d'avoir 18 ans, le tube de Dalida qu'il revendiqua toute sa vie comme une mairie inscrit les mots Liberté, Égalité et Fraternité à son fronton. Sevran "bouscule les phrases" du texte de Serge Lebrail, véritable auteur de ce petit chef-d'oeuvre.

Dans un registre moins artistique, lirons nous également que le dernier grand amour de Sevran, celui sur la dépouille duquel l'animateur clinquant a bâti toute une légende de journaux intimes, l'avait quitté plusieurs mois avant son décès pour une femme qui, elle, l'aimait. Que c'est dans ses bras à elle qu'il est mort, et non dans ceux de Sevran. Des milliers de téléspectateurs-lecteurs auront ainsi été abusés par une marionnette bariolée, ravie de réécrire l'histoire pour le compte de sa propre gloire.

La gloire, justement, le but ultime de Sevran, le pousse, à en croire les auteurs, à des comportements inhumains vis-à-vis des chanteurs invités sur ses plateaux multicolores. Ceux qui, dans ces pages, acceptent de témoigner (Sheila, Alice Dona...etc) , confirment l'inélégance et l'absurdité d'un mégalomane pathologique.

Ce livre se veut un hommage à un cher disparu. Il révèle un tyran n'agissant que pour son propre compte, jouisseur sitôt qu'il s'agit d'humilier un proche. Un livre honnête, impudique, que l'on referme avec l'envie de se laver les mains. Tournons la page pour de bon. Sevran est mort, emportant avec lui ses malles pleines de contre-vérités. Elles doivent peser une tonne dans le caveau de famille. Qu'on en scelle les gonds pour se concentrer sur ceux qui aujourd'hui défendent réellement la chanson.

11 mai 2008

La chance aux sans son

Suite au décès de Pascal Sevran, les articles publiées ces jours-ci dans l'ensemble de la presse francophone fournissent leur lot d'hagiographies pittoresques. Celui dont chacun se gaussait lorsque, par inadvertance, l'on zappait sur l'une de ses autopromotions télévisées, devient, post mortem, un "grand écrivain", un "découvreur de talents", un "amoureux de la chanson française" et un parolier à succès. Sans en faire une crise d'ego mal placée, je constate que mon enquête publiée en septembre dernier aura subi la même attention scrupuleuse accordée aux oeuvres du dit Sevran (Rappelons pour info que l'histoire dite de "la bite des noirs" fut révélée près d'un an après la publication du volume incriminé, presse et télévisions ayant flatté l'auteur sans ne rien remarquer, à l'exception notable de Didier Porte sur France Inter).

Le grand écrivain

Rendez-vous compte, Sevran a publié des romans! Mieux, il reçut le prix Roger Nimier pour le premier d'entre eux. C'est dire. Et les plumes alertes de saluer le génie littéraire d'un personnage dont ils sont incapables de citer le titre d'un livre. Mais il est dit que Sevran est un "grand écrivain". Pas par n'importe qui. Christine Bravo (!) chez Laurent Ruquier et une dame professeur de français sur l'antenne de RTL (l'animateur fut très redondant sur la profession de la dame, gage d'un avis indiscutable) ont confirmé cette information. Sevran est un "grand écrivain". Les amoureux des belles lettres françaises du XX° siècle n'omettront plus désormais de placer les oeuvres complètes du présentateur vedette parmi celles de Marcel Proust, Guillaume Appollinaire, Patrick Modiano, Colette, Michel Houellebecq, Jacques Prévert ou Jean-Marie Le Clézio pour n'en citer que quelques uns. C'est sans aucun doute chose faite depuis ce week-end, sans quoi, la faute de goût se repérerait rapidement maintenant que nous sommes fixés sur l'importance de la prose sevranesque. A propos, quelqu'un connaîtrait-il la liste des lauréats du prix Nimier? Cette distinction devenue en trois jours équivalente au Goncourt - naïfs que nous fumes de l'ignorer jusque là - nécessite que Julien Lepers mette à jour de toute urgence ses questions sur le sujet.

Le quotidien Le Figaro daté du samedi 10 et dimanche 11 mai 2008 débute son article par deux citations du grand écrivain. Impossible de résister à la tentation de livrer ici ces envolées philosophiques bousculant Oscar Wilde ou Georges Simenon au rayon des has-been :

"Il notait dans son journal "tôt ou tard la vie finit mal" ou encore, "j'écris pour qu'on m'aime un peu et pour ne pas mourir"."

Lirons-nous bientôt ces aphorismes épatants aux élèves de France lorsqu'ils en auront soupé de Guy Môquet ? Ou bien préfèreront-ils ces passages raffinés dédiés aux belles heures de l'occupation, au tourisme sexuel à tendance pédophile ou à la littérature antisémite? Certes, ces valeurs-là sont promues dans un style fouillé, vigoureux, usant d'un vocabulaire riche et précis, d'une syntaxe rigoureuse comme une coiffure militaire. Elles sentent tout de même la fosse septique.


Un découvreur de talent

Le foutage de gueule ne connaît aucune limite. Sous prétexte d'avoir accueillis Patrick Bruel, Patricia Kaas ou Laurent Gerra à leurs débuts, Sevran aurait acquis un statut digne d'Eddy Barclay ou de Jacques Canetti. Le gesticulant blondinet reçut ces artistes jeunes, agréables physiquement et impeccablement coiffés, noyés parmi des centaines de chanteurs d'un jour, ne leur accordant pas plus d'intérêt qu'aux poissonnières permanentées venues beugler des fadaises signées, la plupart du temps, de leur hôte lui-même.
Allez, faisons une fois seulement fi de mauvais esprit. Reconnaissons que Sevran contribua à populariser Lynda Lemay. La québécoise n'est citée dans aucun article et s'est gardée jusque là de rendre quelque hommage que ce soit à son "Pygmalion" français. Curieux, non?


Un amoureux de la chanson

Voilà qui demande quelques précisions. Que Sevran fut amoureux de ses propres chansons, nul doute n'est permis. Les archives de l'INA attestent des nombreuses diffusions de "Elle danse techno" ou de "Tout fout l'camp, même toi", chef-d'oeuvres injustement méconnus signés de pascal Sevran lui-même, ou encore la récurrence de certains invités qui, troublante coïncidence, inclurent à leur répertoire une bluette du génial chevalier des Arts et Lettres (sic) pour s'apercevoir que Sevran aimât ses chansons passionnément, la SACEM à la folie et les chanteurs, pas du tout. Ses nombreuses diatribes publiées au sein de pseudo dictionnaires de la chanson française portent au pinacle Georgette Lemaire (délicate interprète de Sevran) et rudoient Barbara (qui n'a pas fait preuve d'autant de bon goût).

Et si, lors de ses premières années télévisées, Sevran reçut Patachou, Monique Morelli, Francis Lemarque, Gilbert Bécaud, Juliette Gréco ou Mouloudji, bien vite, les noms de la chanson ont déserté ses plateaux pour laisser place à des vedettes aux répertoires moins exigeants, en play-back de préférence, ou en duo avec notre cabot d'animateur. Voilà celui que l'on veut aujourd'hui faire passer pour un défenseur de la chanson française. Si ce n'était triste ce serait à se tordre!


Un parolier à succès

Sur ce point, les plumes des journalistes et chroniqueurs sèchent invariablement. Ils savent qu'il écrivit pour Dalida mais la SACEM revendiquant 365 titres signés Sevran (et non 500 comme lu et entendu partout), tout le monde se demande bien les titres des 363 rengaines inconnues au bataillon. Deux seulement survivent au naufrage.

L'une s'intitule "Comme disait Mistinguett". Le texte est cosigné Pascal Sevran et Pierre Delanoë. Rappelons que ce Delanoë là écrivit, souvent seul, les chansons suivantes parmi cent autres tubes. Pour Bécaud (Nathalie, Et maintenant, Mes mains), pour Hugues Aufray (les adaptations des chansons de Dylan, Stewball, L'épervier), pour Michel Fugain (Une belle histoire, Je n'aurai pas le temps, Fais comme l'oiseau), pour Michel Sardou (Le France, Les lacs du Connemara, En chantant), puis des tubes de Joe Dassin, Gérard Lenorman, Nicoletta...etc.

L'autre, "Il venait d'avoir 18 ans", Sevran la revendique depuis des lustres sans mentionner ses trois autres collaborateurs, à savoir Pascal Auriat, Serge Lebrail et Jean Bouchety. Quelle est la part de Sevran dans ce texte qui ne ressemble en rien à la globalité de ses autres productions? Le mystère demeure, aucun des protagonistes n'étant plus de ce monde.

Pour ceux que cela passionne, voici une courte liste (non exhaustive bien sur) d'interprètes gratifiés d'une chanson du Maître : Romuald (Pourquoi la pluie fait-elle pleurer les roses), Jean-Pierre Macario (La dernière nuit d'un amour), Manuel Guazzi alias Max Guazzini (Quand vient la nuit on dit je t'aime), Enrique (Dis my love), Mimil (Paris Palace), Georgette Lemaire (Mon coeur de quoi as-tu rêvé), Pascal Sevran (C'est ça la vie samba; Le soleil avait quitté la plage; Tiens voilà l'accordéon; Revoilà le cha-cha-cha...etc.) . Les plus masochistes d'entre vous pourront aisément se procurer les textes de ces niaiseries auprès des éditeurs concernés.

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Afin d'éviter des réponses inutiles du type "on l'attaque maintenant qu'il est mort et ne peut plus se défendre", je rappelle que le livre enquête Pascal Sevran Le Maître Chanteur est paru en septembre 2007, la semaine même où l'hebdomadaire VSD publiait une très longue interview de Pascal Sevran expliquant combien Nicolas Sarkozy lui était reconnaissant pour ses précieux conseils. Ce post n'est qu'une réaction aux articles et hommages publics dansés depuis quelques jours au bal des faux-culs, hormis le quotidien Libération et l'hebdomadaire Télérama qui gratifient leurs lecteurs d'articles objectifs et nuancés :

Article de Libération
Article de Télérama.fr

9 mai 2008

COMMUNIQUE

La famille de Monsieur Pascal SEVRAN a la profonde douleur d’annoncer son décès, survenu le vendredi 9 mai 2008 à 10 heures à Limoges, des suites d’un cancer du poumon.

Un hommage lui sera rendu le mardi 13 mai 2008 à 10 heures 30 en l’Eglise Saint-Louis-en-l’Île de Paris.

Les obsèques seront célébrées dans l’intimité familiale.

Communiqué cité par France Télévisions - 9 Mai 2008

6 mai 2008

RIGUEUR


Affaire Sevran: La réaction du groupe Lagardère


Entendu par le CSA ce mardi dans le cadre de l'annonce erronée du décès de Pascal Sevran, le groupe Lagardère Active a été mis en demeure d'assurer "l'honnêteté de l'information" conformément aux stipulations de la convention conclue avec le Conseil le 11 juillet 2005. Dans un communiqué, le groupe a tenu à faire savoir qu'il "prend acte de la décision du CSA. Lagardère Active tient à rappeler, à cette occasion, son soutien à Jean-Pierre Elkabbach, à Europe 1 et à l'ensemble de ses équipes, dont la rigueur et le professionnalisme font la réputation de la station."

LE JDD.FR

25 avr. 2008

A qui profite le crime?

Quelques jours après la vraie fausse information sur la mort présumée de Pascal Sevran, un flou immense entoure encore cette affaire qui a pris une grande ampleur dans les grands médias et sur le Net en France. Jean-Pierre Elkabach est accusé de tous les maux alors qu’il paraît évident qu’il n’aurait jamais divulgué une telle information si ses sources ne se trouvaient pas être dans l’entourage proche de Sevran.

La Santé de Pascal Sevran entre évidemment dans le domaine du privé et personne ne peut forcer une personnalité ou sa famille à s’exprimer là dessus. Pourtant à l’heure actuelle, la seule question qui nous préoccupe est "comment va Pascal Sevran, dans quel état est-il exactement ?" Cela nous paraît bien légitime.

Pourquoi personne ne se pose la question et pis encore Pascal Sevran qu’on nous dit bien vivant n’a pas fait de communication officielle et personnelle là dessus.

Puisque le secret de sa maladie a été rendu public par des professionnels et non de jeunes chiens fous du web, on se demande pourquoi tant de mystères cachent la vérité sur cette affaire.

Il semble que le public qui aime Sevran comme ceux qui l’aime moins et étant donné qu’il a été un grand personnage public et populaire de la Télévision française a le droit de savoir.

Si on ne nous dit rien c’est la porte ouverte à toutes les théories foireuses, toutes les interrogations et extrapolations. Un simple communiqué officiel et précis sur l’état de santé de Pascal Sevran calmerait toutes les polémiques, il me semble.

Qu’en pensez-vous ?

Eva Bronstein, Le Mague (www.lemague.net)

22 avr. 2008

LA FAUSSE INFO QUI TUE



On le sait très malade, certains l'ont cru mort. Hier soir, plusieurs médias ont annoncé à tort la disparition de Pascal Sevran, qui a animé pendant seize ans « la Chance aux chansons » sur France 2. La chaîne a publié aussitôt un communiqué « d'une source très proche et très sûre » affirmant que l'animateur se reposait en famille, alors que plusieurs célébrités du petit écran avaient déjà rendu hommage à l'homme de télévision et écrivain.


Cette incroyable bourde d'un faux décès n'est toutefois pas une première dans l'histoire des médias. Décryptage.

19 heures : Europe 1 annonce la mort de Pascal Sevran en ouverture de son journal du soir, suivi d'un long développement sur sa carrière par un journaliste culturel de la station. Deux sites Internet, Purepeople et Wikipédia, diffusent également l'info. Pascal Sevran se serait éteint à 14 heures. L'AFP, source de référence des journaux, ne publie cependant aucune dépêche.

19 h 10 : Laurent Ruquier confirme l'information dans « On n'a pas tout dit » sur France 2. En direct dans sa quotidienne, Laurent Ruquier reprend la « nouvelle ». Christine Bravo et Karl Zéro rendent alors hommage à l'animateur, au passé. Ruquier ajoute même que « pendant plusieurs jours, on va vous en parler sur France 2 ». « J'étais en direct, nous a-t-il expliqué après l'émission. On m'a annoncé que c'était sur Europe 1. A partir du moment où une radio nationale donne cette info, j'ai confiance. J'ai pourtant attendu dix minutes avant de la répercuter. J'ai hésité, j'étais perturbé. Mais pour moi, si on m'apporte une dépêche, c'est qu'elle a été validée. Et je ne comprends pas que, pendant ces dix minutes, personne ne m'ait rien dit... Ce qui m'a décidé, c'est qu'il y avait un horaire de décès. Ça ne s'invente pas. C'est de la pure malveillance, plus qu'une rumeur. Je suis catastrophé. Si Pascal Sevran est en mauvaise santé, c'est encore pire. » Catherine Barma, productrice de l'émission, regrette un « dysfonctionnement complet » : « Il n'y a jamais eu de dérapage en sept ans. C'est la première fois. J'en suis vraiment désolée. »

Jean-Marc Morandini, lui aussi, commente cette «disparition » sur Direct8. A la même heure, Morandini officie dans sa quotidienne sur Direct 8. Lui aussi annonce la mort de Sevran et fait même réagir par téléphone Jacques Pradel, qui y va, à son tour, de son hommage. « Je suis navré de ce qui s'est passé, nous a confié Morandini hier soir. On a eu l'info à 19 heures, mais j'ai décidé d'en parler quand France 2 l'a annoncé via Ruquier. Si la propre chaîne de Sevran en parlait, ça devenait une information. »

19 h 32 : Europe 1 présente ses excuses. Après le communiqué officiel de France Télévisions, Europe 1, Laurent Ruquier et les sites Internet qui avaient divulgué cette fausse nouvelle s'excusent auprès de leurs auditeurs, téléspectateurs et lecteurs.

22 h 04 : Jean-Pierre Elkabbach, patron d'Europe 1 , qui n'a pas souhaité faire de commentaires, renvoyait au communiqué diffusé sur le site de la station. « Depuis le milieu de l'après-midi, Europe 1 avait de sources concordantes journalistiques généralement sûres et fiables, des informations sur la disparition de Pascal Sevran, indique ce texte. A plusieurs reprises, Europe 1 a tenté de joindre la famille de Pascal Sevran sans y parvenir. Jusqu'ici Europe 1 n'avait pas de raison de douter de ces sources et regrette sincèrement que ces propos aient pu affecter Pascal Sevran, ses proches et ses auditeurs » .

in "Le parisien" du 22 avril 2008