11 mai 2008

La chance aux sans son

Suite au décès de Pascal Sevran, les articles publiées ces jours-ci dans l'ensemble de la presse francophone fournissent leur lot d'hagiographies pittoresques. Celui dont chacun se gaussait lorsque, par inadvertance, l'on zappait sur l'une de ses autopromotions télévisées, devient, post mortem, un "grand écrivain", un "découvreur de talents", un "amoureux de la chanson française" et un parolier à succès. Sans en faire une crise d'ego mal placée, je constate que mon enquête publiée en septembre dernier aura subi la même attention scrupuleuse accordée aux oeuvres du dit Sevran (Rappelons pour info que l'histoire dite de "la bite des noirs" fut révélée près d'un an après la publication du volume incriminé, presse et télévisions ayant flatté l'auteur sans ne rien remarquer, à l'exception notable de Didier Porte sur France Inter).

Le grand écrivain

Rendez-vous compte, Sevran a publié des romans! Mieux, il reçut le prix Roger Nimier pour le premier d'entre eux. C'est dire. Et les plumes alertes de saluer le génie littéraire d'un personnage dont ils sont incapables de citer le titre d'un livre. Mais il est dit que Sevran est un "grand écrivain". Pas par n'importe qui. Christine Bravo (!) chez Laurent Ruquier et une dame professeur de français sur l'antenne de RTL (l'animateur fut très redondant sur la profession de la dame, gage d'un avis indiscutable) ont confirmé cette information. Sevran est un "grand écrivain". Les amoureux des belles lettres françaises du XX° siècle n'omettront plus désormais de placer les oeuvres complètes du présentateur vedette parmi celles de Marcel Proust, Guillaume Appollinaire, Patrick Modiano, Colette, Michel Houellebecq, Jacques Prévert ou Jean-Marie Le Clézio pour n'en citer que quelques uns. C'est sans aucun doute chose faite depuis ce week-end, sans quoi, la faute de goût se repérerait rapidement maintenant que nous sommes fixés sur l'importance de la prose sevranesque. A propos, quelqu'un connaîtrait-il la liste des lauréats du prix Nimier? Cette distinction devenue en trois jours équivalente au Goncourt - naïfs que nous fumes de l'ignorer jusque là - nécessite que Julien Lepers mette à jour de toute urgence ses questions sur le sujet.

Le quotidien Le Figaro daté du samedi 10 et dimanche 11 mai 2008 débute son article par deux citations du grand écrivain. Impossible de résister à la tentation de livrer ici ces envolées philosophiques bousculant Oscar Wilde ou Georges Simenon au rayon des has-been :

"Il notait dans son journal "tôt ou tard la vie finit mal" ou encore, "j'écris pour qu'on m'aime un peu et pour ne pas mourir"."

Lirons-nous bientôt ces aphorismes épatants aux élèves de France lorsqu'ils en auront soupé de Guy Môquet ? Ou bien préfèreront-ils ces passages raffinés dédiés aux belles heures de l'occupation, au tourisme sexuel à tendance pédophile ou à la littérature antisémite? Certes, ces valeurs-là sont promues dans un style fouillé, vigoureux, usant d'un vocabulaire riche et précis, d'une syntaxe rigoureuse comme une coiffure militaire. Elles sentent tout de même la fosse septique.


Un découvreur de talent

Le foutage de gueule ne connaît aucune limite. Sous prétexte d'avoir accueillis Patrick Bruel, Patricia Kaas ou Laurent Gerra à leurs débuts, Sevran aurait acquis un statut digne d'Eddy Barclay ou de Jacques Canetti. Le gesticulant blondinet reçut ces artistes jeunes, agréables physiquement et impeccablement coiffés, noyés parmi des centaines de chanteurs d'un jour, ne leur accordant pas plus d'intérêt qu'aux poissonnières permanentées venues beugler des fadaises signées, la plupart du temps, de leur hôte lui-même.
Allez, faisons une fois seulement fi de mauvais esprit. Reconnaissons que Sevran contribua à populariser Lynda Lemay. La québécoise n'est citée dans aucun article et s'est gardée jusque là de rendre quelque hommage que ce soit à son "Pygmalion" français. Curieux, non?


Un amoureux de la chanson

Voilà qui demande quelques précisions. Que Sevran fut amoureux de ses propres chansons, nul doute n'est permis. Les archives de l'INA attestent des nombreuses diffusions de "Elle danse techno" ou de "Tout fout l'camp, même toi", chef-d'oeuvres injustement méconnus signés de pascal Sevran lui-même, ou encore la récurrence de certains invités qui, troublante coïncidence, inclurent à leur répertoire une bluette du génial chevalier des Arts et Lettres (sic) pour s'apercevoir que Sevran aimât ses chansons passionnément, la SACEM à la folie et les chanteurs, pas du tout. Ses nombreuses diatribes publiées au sein de pseudo dictionnaires de la chanson française portent au pinacle Georgette Lemaire (délicate interprète de Sevran) et rudoient Barbara (qui n'a pas fait preuve d'autant de bon goût).

Et si, lors de ses premières années télévisées, Sevran reçut Patachou, Monique Morelli, Francis Lemarque, Gilbert Bécaud, Juliette Gréco ou Mouloudji, bien vite, les noms de la chanson ont déserté ses plateaux pour laisser place à des vedettes aux répertoires moins exigeants, en play-back de préférence, ou en duo avec notre cabot d'animateur. Voilà celui que l'on veut aujourd'hui faire passer pour un défenseur de la chanson française. Si ce n'était triste ce serait à se tordre!


Un parolier à succès

Sur ce point, les plumes des journalistes et chroniqueurs sèchent invariablement. Ils savent qu'il écrivit pour Dalida mais la SACEM revendiquant 365 titres signés Sevran (et non 500 comme lu et entendu partout), tout le monde se demande bien les titres des 363 rengaines inconnues au bataillon. Deux seulement survivent au naufrage.

L'une s'intitule "Comme disait Mistinguett". Le texte est cosigné Pascal Sevran et Pierre Delanoë. Rappelons que ce Delanoë là écrivit, souvent seul, les chansons suivantes parmi cent autres tubes. Pour Bécaud (Nathalie, Et maintenant, Mes mains), pour Hugues Aufray (les adaptations des chansons de Dylan, Stewball, L'épervier), pour Michel Fugain (Une belle histoire, Je n'aurai pas le temps, Fais comme l'oiseau), pour Michel Sardou (Le France, Les lacs du Connemara, En chantant), puis des tubes de Joe Dassin, Gérard Lenorman, Nicoletta...etc.

L'autre, "Il venait d'avoir 18 ans", Sevran la revendique depuis des lustres sans mentionner ses trois autres collaborateurs, à savoir Pascal Auriat, Serge Lebrail et Jean Bouchety. Quelle est la part de Sevran dans ce texte qui ne ressemble en rien à la globalité de ses autres productions? Le mystère demeure, aucun des protagonistes n'étant plus de ce monde.

Pour ceux que cela passionne, voici une courte liste (non exhaustive bien sur) d'interprètes gratifiés d'une chanson du Maître : Romuald (Pourquoi la pluie fait-elle pleurer les roses), Jean-Pierre Macario (La dernière nuit d'un amour), Manuel Guazzi alias Max Guazzini (Quand vient la nuit on dit je t'aime), Enrique (Dis my love), Mimil (Paris Palace), Georgette Lemaire (Mon coeur de quoi as-tu rêvé), Pascal Sevran (C'est ça la vie samba; Le soleil avait quitté la plage; Tiens voilà l'accordéon; Revoilà le cha-cha-cha...etc.) . Les plus masochistes d'entre vous pourront aisément se procurer les textes de ces niaiseries auprès des éditeurs concernés.

-:-:-


Afin d'éviter des réponses inutiles du type "on l'attaque maintenant qu'il est mort et ne peut plus se défendre", je rappelle que le livre enquête Pascal Sevran Le Maître Chanteur est paru en septembre 2007, la semaine même où l'hebdomadaire VSD publiait une très longue interview de Pascal Sevran expliquant combien Nicolas Sarkozy lui était reconnaissant pour ses précieux conseils. Ce post n'est qu'une réaction aux articles et hommages publics dansés depuis quelques jours au bal des faux-culs, hormis le quotidien Libération et l'hebdomadaire Télérama qui gratifient leurs lecteurs d'articles objectifs et nuancés :

Article de Libération
Article de Télérama.fr

11 commentaires:

Anonyme a dit…

il faut le connaitre avant de parler c'est un artiste avec un grand coeur et beaucioupd d amour.

2 titres sur 365 c'st deja SUPER je trouve et 18ans pour une emission c'est aussi super qui peu le faire maintenant il y en a pas beaucoup.

aurevoir pascal onq vous aimes!!!

Anonyme a dit…

Ouais de toute façon c'était un gros con, facho, qui n' a fait que de la merde, je ne sais même pas pourquoi on en parle.

Anonyme a dit…

moi je suis assez d'accord avec cet article.Sevran a écrit des conneries énormes .
Certains de ses propos sont a la limites du tolérable.
quand a sa vie en tant qu'artiste ,moi ca me fais rire . un bon opportuniste .C'est de l'arnaque ce mec je comprend pas comment il a pu reussir autant .(desolé d'etre méchant)mais c'est la vérité c'est tout)

Anonyme a dit…

C'est agréable de lire que certains ne sont pas dupes de la soupe populiste servie tous les jours à la télévision et ont le culot de bousculer le politiquement correct en narrant la part de vérité grossière de certains morts indûment vénérés.

Mais quand c'est pour essayer de s'en mettre plein les poches en vendant un livre, en allant même jusqu'à faire de la pub sur Gmail, je m'interroge : n'est-ce pas tout aussi grossier que la manière dont le ringard dénoncé a fait carrière ? Ou plutôt vulgaire ? En fait je m'interroge surtout sur l'adjectif le plus approprié. Et puis aussi sur l'opportunité de couper des arbres pour soutenir une thèse aussi peu intéressante qu'absolument évidente.

Anonyme a dit…
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
Mimi 2a a dit…

comme si tout n'était pas hypocrisie à la télé!!Pascal Sevran as fait le bonheur tous les après midi des personnes du 3ème âge qui ne le trouvaient pas ringard et depuis son éviction ces téléspectateurs se tapent des rediffusions de séries-navets parceque personne n'est capable de faire aussi bien; certes il a souvent eu des propos dans lesquels il disait tout haut ce que pensent la plupart de ces détracteurs. Alors moi ,faisant partie du petit peuple,je demande aux médias d'arrêter de nous accabler de "révélations "sordides" sur ceux qui ont le mérite de nous détendre, on s'en fout de connaitre les pourquoi et les comment ,on s'en fout de savoir si celui ci à couché pour réussir ou si celle la a posé nue...la télé doit nous permettre de nous évader, nous en avons assez avec nos tracas quotidiens .

Laurent Balandras a dit…

Bonjour Pierre, je suis désolé d'avoir supprimé votre commentaire du 16 mai. Mon livre n'aborde pas la vie privée de Pascal Sevran et je ne souhaite pas que ce blog y fasse allusion. Il est ici question de ses activités professionnelles, de ses écrits et de ses déclarations publiques, uniquement. J'espère que vous comprendrez. Cordialement, L.B.

APURSETAP a dit…

Le principal dans la vie n'est-il pas de faire ? De faire quelque chose ? Pascal Sevran l'a fait, à sa manière. Maintenant si la mayonnaise est montée au fil des années, c'est qu'il y avait un espace pour lui. Evidemment ce n'est pas un génie...mais il a fait...et les médias ont fait le reste...

OED

Anonyme a dit…

Pas de critique de vie privée, d'accord. Mais des anecdotes, pour bien illustrer ce personnage tellement imprégné de la fibre populaire. J'ai grandi dans le hameau de chez dousseaud, dépendance du bled de morterolles (dépendance de bled? traduisez ça par huits maisons en cercle traversé d'un chemin terreux), dans lequel s'étendait la propriété Sevran. Son approche au bas peuple consistait en une apparition en grand seigneur pour la batteuse annuelle, à laquelle il venait munit de ses propres couverts et de sa bouteille de vin grand cru, la bactérie paysanne étant redoutable et la piquette en cubis irritant la gorge. Indéniable, cet homme aimait les gens!
Si le phénomène post mortem de concours de superlatifs pour accorder toujours plus de génie à un homme ignoré du talent me déplait, je n'excèle pas non plus dans l'exercice de destruction, seulement voilà: Le "il distrayait" m'irrite, et c'est seul argument opposé à la non conséquence de sa pseudo carrière. On en revient la à donner du crédit à la crasse culturelle qui rend inoffencive une jolie majorité passive, et la je dis non. Alors on apaise mémé, elle préfère ça à la tecktonik et du coup c'est bien brave? Je ne crois pas que la jeunesse de nos grands parents s'apparente rééllement à ça, j'ai trop d'estime pour les personnes agées pour croire que leur distraction consiste en un vilain substitue de musette bas de gamme servie par un être brushingué aussi spontané qu'un discours politique. La distraction peut aussi s'apparentée de manière surprenante à l'intelligence, nos vieux ne veulent pas du réchauffé, mais quelque chose qu'ils comprennent, qui les touchent, sans pour autant ressasser une époque érronée. En somme, accorder du crédit à la grande oeuvre de monsieur Sevran équivaut à dire qu'il est bon d'offrir une petite mort à nos vieillards, une passivité navrante qui infantilise des êtres qui ont tout long vécu à leur actif.

Unknown a dit…

Bonsoir,

je tombe par hasard sur ce blog dont le contenu me consterne ! Je n'étais pas fan de Sevran l'animateur, mais bel et bien de l'écrivain qui avait, n'en déplaise à certains, beaucoup de talent. Quant à ceux qui dénigrent son talent d'animateur, ils me font bien rire, car à une époque où une émission TV doit faire de l'audience pour rester à l'antenne, si Pascal Sevran n'avait pas rameuté des milliers de téléspectateurs, ses émissions n'auraient pas duré aussi longtemps. Alors on peut ne pas aimer, mais il faut rester objectif.
Quant à la dame qui se plaint que Pascal ait donné l'occasion d'aimer le peuple alors qu'il ne l'aimait pas apparemment, eh bien, il ne s'est jamais vanté d'aimer qui que ce soit, hormis Stéphane. Dans ses livres, il ne se cachait pas d'être asocial et misanthrope. Mais son charme résidait justement en une foule de contradictions qui le rendaient irrésistible, n'en déplaise encore à ceux qui ne l'aimaient pas.
Je me pose une question : que va devenir ce blog dédié à Pascal Sevran - alors que son administrateur ne semble pas apprécier l'homme en question - maintenant qu'il est mort ? Etrange, cette idée de faire un blog sur un personnage que l'on n'apprécie pas.
A titre indicatif, j'ai également écrit un article sur Sevran dans mon blog www.zazecritoire.unblog.fr

BLOGS a dit…

Salut les démagos !! Bande de nuls foutez lui la paix ! Allez vous raser la gueule avant de faire des commentaires et de l'incriminer. Lui au moins avait le respec des autres et avant de le traiter de ringard ... Regardez vous ! Mais vous vous prenez pour qui les tatoués à percings aux gueules mal rasées qui vous trouvez beaux avec votre look de cradingue pour vous permettre de le juger. Quand à ses commentaires il n'y a que les mégalos gauchos dans votre genre pour en faire vos choux gras. Dans la France de Laxistes et de faux culs fabriquée par les gauchos, toute vérité n'est pas bonne à dire. Il a au moins eu le courage de dire tout haut ce que bcp pensent tout bas ! Que votre âme repose en paix, MONSIEUR JEAN CLAUDE JOUHAUD dit PASCAL SEVRAN !